Fondée le 10 avril 1899 par Maria Legrain.
La "Belle Époque de l'antialcoolisme" voit se former plusieurs associations variées. Elles se distinguent par la finalité du combat (abstinence ou tempérance), par la religion (neutres, protestantes, catholiques), par le public visé (instituteurs et institutrices, ouvriers, agents de chemins de fer). Toutes ces associations admettent les hommes et les femmes comme membres, et les leaders du mouvement français – tous hommes – s'accordent à dire que "la société mixte constitue la forme la plus avantageuse pour la propagande" (1897).
Cependant, aux États-Unis et en Grande Bretagne, des sociétés antialcooliques féminines sont prospères. Leurs représentantes s'opposent à l'opinion des hommes français, en affirmant que certains sujet "se traitent mieux entre femmes" (1897), comme l'allaitement, l'éducation des enfants ou l'alcoolisme féminin.
Ainsi, le 10 avril 1899, sur l'initiative de Maria Legrain (1863-1945) et avec l'aide de militantes étrangères, une association féminine se fonde à Paris : l'Union française des Femmes pour la Tempérance (UFFT). Le ministère de l'Intérieur interdisant son affiliation à l'Union Mondiale Chrétienne des Femmes pour la Tempérance, l'UFFT mène son action en tant qu'association totalement indépendante. Elle garde néanmoins des liens amicaux avec le reste du mouvement en France et tâche de se faire connaître à l'étranger.
L'UFFT est une association religieusement neutre, prônant la tempérance – elle n'impose pas de restrictions à ses membres. Seules les femmes faisant partie du bureau doivent s'abstenir complètement de toutes les boissons alcooliques. Malgré la tolérance, peu de Françaises décident d'y adhérer : en juillet 1900, l'Union ne compte que 131 membres dont 95 "abstinentes totales". Le dernier chiffre démontre que les questions de tempérance-abstinence ne sont pas cruciales pour les femmes, mais que l'utilité de l'UFFT n'est certainement pas comprise.
En effet, les modes d'actions de l'UFFT sont confus, même pour ses membres. Sur le papier, l'association revendique la création des sections cadettes, la fondation de restaurants de tempérance et le travail avec les malades alcooliques. En pratique, seul le dernier point est réellement mis en place : le Patronage des Buveurs réunit une douzaine de membres de l'UFFT qui rendent visites aux buveurs et travaillent avec leurs familles pour les éclairer sur leur rôle dans le relèvement de malades. Dans La Source, bulletin trimestriel/bi-mensuel, l'Union publie quelques témoignages de visiteuses :
On peut boire à l'excès et être encore bon garçon, c'était le cas de mon homme. Il signa avec moi l'engagement d'abstinence ; il faillit au bout d'un mois, résigna et, cette fois, tint parole. Nous l'avons suivi de très près, occupant sa femme, visitant ses enfants, lui procurant du travail, le soutenant à chaque pas, le dirigeant, l'encourageant et aujourd'hui il est sauvé, heureux [...] (La Source, mars 1901).
À l'assemblée générale en mars 1902, Maria Legrain renonce à la présidence de l'UFFT en déclarant qu'elle souhaite entièrement se consacrer à l'œuvre de relèvement de buveurs. Faute de successeur aussi enthousiaste et énergique comme la fondatrice, l'Union décline et périclite un an plus tard. En octobre 1903, au Premier congrès national contre l'alcoolisme, personne ne se réfère à cette œuvre féminine, première en son genre en France.