Merci à Sylvie Bossy-Guérin pour la découverte et le partage des documents relatifs à la section du lycée de Nantes (et à Stéphane Le Bras pour la transmission).
L'Alcool, bulletin de l'Union française antialcoolique (UFA), annonce en décembre 1900 une section en espérance au lycée de Nantes. Deux mois plus tard elle est bien formée, de quoi L'Alcool avise ses lecteurs : M. Lanoue, élève, en est le président. La Section du lycée de Nantes – son nom officiel – en informe également le préfet de la Loire-Atlantique. Par ailleurs, dans la lettre signée par le secrétaire de la section Marcel Schwartz (élève de seconde), on apprend que le préfet a accepté le titre de Président d'honneur de cette nouvelle structure antialcoolique.
Les statuts (transcription infra), accompagnant la lettre au préfet, mettent en lumière l'organisation pyramidale de la section :
elle est constituée des membres d'honneur, honoraires, adhérents et actifs ;
le bureau comprend un président, un vice-président, un secrétaire, un secrétaire-adjoint, un trésorier, un bibliothécaire-archiviste, deux commissaires – tous doivent être membres actifs ;
chaque groupe de 10 membres actifs et adhérents élit un délégué qui forme avec le bureau le Comité. Selon les statuts (art. 7 et 14), les délégués choisissent le bureau pour la durée de l'année scolaire et rendent compte de leur mandat lors des assemblées générales.
Par ailleurs, la fréquence de réunions est soutenue :
le bureau se réunit tous les huit jours,
les assemblées générales sont organisées tous les trois mois.
Cependant, bien que l'organisation soit ainsi cadrée, l'antialcoolisme du lycée de Nantes ne fait pas long feu. La dernière mention de cette section apparaît en novembre 1901, lorsque l'UFA, dans le cadre de son assemblée générale, lui envoie "des remerciements", comme à une centaine d'autres sections. Il semble donc que, malgré les statuts bien élaborés et les mentions faites auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique et de l'UFA, cette activité du lycée de Nantes a été de courte durée. Probablement, elle s'est terminée à l'été 1901, à l'issue de l'année scolaire, et le nouveau bureau n'a pas été élu. Il est possible que la complexité des statuts n'était pas en phase avec les motivations et/ou la taille de la section.
Il convient aussi de signaler qu'il existait à Nantes une autre section antialcoolique, qui paraissait bien plus active et engagée. Elle était fondée à la fin de 1898 - début de 1899 et relevait de l'effort de la Société Française de Tempérance, concurrente de l'UFA. L'activité principale de cette section nantaise était le développement des établissements de tempérance, et notamment des roulottes dans les quartiers industriels. Elle s'occupait également de la propagande dans la ville par la voie d'affiches, de conférences et de la diffusion de publications antialcooliques. La section du lycée de Nantes n'affichait aucun lien avec la "grande" section.
Il est ainsi fort possible que la création de la section antialcoolique pour les élèves est due à l'initiative d'Auguste de Caumont, proviseur du lycée entre 1898-1909. Monsieur de Caumont aurait ainsi suivi la tendance nationale de formation de sections cadettes dans les établissements scolaires. Et cela, en conséquence des circulaires du ministère de l'Instruction publique introduisant l'enseignement antialcoolique à l'école, et de l'actif encouragement de l'UFA qui avait désigné la propagande auprès de l'enfance et la jeunesse comme son cheval de bataille.
Pour apprendre davantage sur le lycée de Nantes, voir Un grand lycée de province. Le lycée Clemenceau de Nantes dans l'histoire et la littérature depuis le 1e Empire, Thonon-les-Bains, l'Albaron, 1992, 412 p.
[Statuts – Archives départementales de Loire-Atlantique, 4M250]
Tampon /Union française antialcoolique * Lycée de Nantes * U.F.A.L.N./
Union française antialcoolique
Section du Lycée de Nantes
Article premier. – Il est fondé au Lycée de Nantes une section de l’Union française antialcoolique.
Art. 2. – L’Union a pour but de faire une active propagande dans la jeunesse de toutes les classes et en particulier dans celle des écoles primaires.
Art. 3. – La section comprend.
1° Des membres d’honneur. – Le titre de membre d’honneur est offert par le bureau à toute personne majeure ayant contribué par son appui moral ou par des dons à la prospérité de l’Union. La cotisation annuelle des membres d’honneur est fixée à cinq francs.
2° Des membres honoraires (fonctionnaires, anciens fonctionnaires, anciens élèves, parents d’élèves). Les membres honoraires versent une cotisation de trois francs. Les membres honoraires qui le désireraient pourront contracter l’engagement des membres actifs ; dans ce cas il leur sera délivré des cartes d’un modèle spécial.
3° Des membres adhérents. – Seront considérés comme membres adhérents les élèves âgés de 9 ans au moins et les domestiques de l’établissement qui déclarent s’associer à la lutte contre l’alcoolisme et combattre avec l’Union. Les membres adhérents ne prennent aucun engagement ; cependant ils ne doivent pas faire abus des boissons ; ils paient une cotisation annuelle de un franc s’ils sont élèves au lycée et de 0 fr. 10 s’ils sont élèves des écoles primaires.
4° Des membres actifs. – Pour être membre actif il faut être âgé d’au moins 9 ans et signer l’engagement suivant : « Je m’engage à m’abstenir pendant la durée d’une année, d’eau-de-vie, de liqueurs, de toniques, d’apéritifs (sauf prescription médicale) et à ne faire qu’un usage modéré de vins, bière et cidre ». Les membres actifs doivent verser une cotisation annuelle de un franc.
Art. 4. – L’Union est administrée par un bureau principal composé d’un président (élève du Lycée âgé d’au moins 17 ans), d’un vice-président, d’un secrétaire, d’un secrétaire-adjoint, d’un trésorier, d’un bibliothécaire-archiviste, de deux commissaires élus l’un par les grands, l’autre par les moyens.
Art. 5. – Les membres du bureau nommés pour la durée d’une année scolaire, sont toujours rééligibles. Ils doivent être membres actifs.
Art. 6. – Chaque groupe de 10 membres actifs et adhérents élira un délégué ; les délégués convoqués par le président forment avec le bureau le Comité. Les délégués pourraient être membres actifs ou adhérents.
Art. 7. – Tout membre de la section a droit : 1° à assister aux assemblées générales, 2° à élire les délégués qui choisissent annuellement le bureau.
Art. 8. – Le président convoque et préside l’assemblée générale ; il veille à l’exécution des statuts ; il juge avec le bureau les questions de détails ; pour les questions importantes, il convoque le comité, ou s’il y a lieu l’assemblée générale.
Art. 9. – Les secrétaires sont chargés de la correspondance et rédigent les procès-verbaux des séances.
Art. 10. – Le trésorier est chargé de la comptabilité ; il reçoit les dons et les cotisations.
Art. 11. – Les commissaires sont chargés de faire connaître les décisions du comité.
Art. 12. – Le bibliothécaire-archiviste aura les brochures, tracts de propagande antialcoolique et aidé de deux commissaires les distribuera aux membres de la société. Il sera chargé de la conservation des mémoires, rapports et procès-verbaux.
Art. 13. – Le bureau se réunira tous les huit jours. En cas de partage des voix, celle du président est prépondérante.
Art. 14. – Le comité rend compte de son mandat aux assemblées générales.
Art. 15. – Il y aura une assemblée générale tous les trois mois.
Art. 16. – Tout membre pourra être rayé des listes de la section :
1° Pour non paiement de sa cotisation ; 2° pour rupture de son engagement ; 3° pour toutes infractions aux règlements. Les infractions pourront être constatées par des membres actifs qui en avertiront le bureau ; le comité jugera s’il y a lieu de prononcer la radiation. Les membres démissionnaires sont tenus de rendre leurs cartes au secrétaire ou au Président.
Art. 17. – L’Union se créera des ressources par les moyens suivants :
Cotisations, souscriptions, dons, conférences, représentations théâtrales, sous réserve d’approbation académique.
Art. 18. – Les frais de l’Union comportent les frais d’impression et de publicité nécessaires à la propagande.
Art. 19. – Toutes les décisions importantes devront être soumises à l’approbation de M. le Proviseur.
Art. 20. – Les discussions politiques et religieuses sont rigoureusement interdites.
Art. 21. – En cas de dissolution, l’actif de l’Union sera versé au Comité central de Paris.
2136-01 – Nantes, Imp. du Commerce, rue Scribe, 6.