Fontaine-Daniel est un village du département de la Mayenne qui fait partie de la commune de Saint-Georges-Buttavent et qui compte près de 440 habitants à la fin du XIXe siècle. La population du village est principalement ouvrière constituée des tisserands et fileurs.
En 1896, une section cadette de tempérance se fonde à Fontaine-Daniel : elle compte au départ une dizaine d'enfants, puis une quarantaine un an plus tard et 77 membres en 1904. L'initiative vient de l'institutrice Madame Marie Baumer (née en 1847) suite à l'instauration de l'éducation antialcoolique au niveau national et au développement des associations populaires de tempérance. Ainsi la section de Fontaine-Daniel est-elle affiliée à l'Union Française Antialcoolique.
Madame Baumer instruit ses élèves des méfaits de l’alcool et notamment de l’abus de cidre, boisson typique du département, avec une méthode particulière. Tous les lundis, l'institutrice fait le bilan de la consommation des boissons et distribue aux enfants des points pour une bonne conduite tempérante. Les enfants se voient accorder :
deux points s’ils n’ont bu que de l’eau la semaine précédente ;
un point s’ils ont bu du cidre coupé d’eau.
Si l’enfant ne reçoit pas de points, il n’est pas puni, « on l’encourage à plus de fermeté à l’avenir ». Deux fois par mois, les douze élèves les plus tempérants se réunissent autour d’un goûter festif au chocolat. En 1898, le système des points de Madame Baumer évolue vers davantage de tolérance. Elle accorde désormais :
trois points pour l’abstinence totale ;
deux pour le cidre coupé d’eau ;
un pour le cidre pur ;
zéro pour « les défaillances accidentelles ».
Comme partout en France, les enfants doivent se procurer l’autorisation parentale avant d’adhérer à la section. Ceci suppose que tous les villageois ayant des enfants soient rapidement informés de l’activité antialcoolique de l’institutrice. De cette manière, cette curieuse forme d’enseignement apprend la tempérance non seulement aux élèves, mais aussi à leurs familles. La « popularisation » de l’antialcoolisme se déroule à merveille – de l’institutrice envers les enfants, et des enfants envers leurs parents – comme le souhaitent les militants de la « Belle Époque de l'antialcoolisme ».